Chapitre IV, extrait n°19
Publié le samedi 20 août 2011, 14:25 - modifié le 06/02/14 - Extraits de l'ouvrage - Lien permanent
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L'enquête sur commission rogatoire (...la suite)
Une enquête bâclée, mal ficelée, truquée, tronquée
Dix mois d’investigations pour parachever ce dossier. Dix mois d’une activité méticuleuse, scrupuleuse et minutieuse. A charge et à décharge. Sous l’autorité du juge Renard. Dix mois d’analyse, d’argumentation, de travail "au grand jour".
Rien n’a été apocryphe dans nos actes, nous avons respecté en Raddad tant l’individu que son système de défense, nous n’avons jamais porté atteinte à sa crédibilité. La rigueur et l’honnêteté intellectuelles ont été notre guide, mais il est certain que notre sagacité, notre perspicacité, notre engagement ont dérangé quelques "maîtres du savoir". Peu importe, nous avons conscience que nous avons œuvré pour le bien de la justice. Nous n’avons été l’otage de quiconque, car à la mystification et à la haïssable supercherie du clientélisme et de la tromperie, nous préférons la droiture, la noblesse de la recherche de la vérité.
La dernière pièce du volumineux dossier que je remets au juge d’instruction, le 19 avril 1992, est constituée de 201 pages d’articles de presse parus entre le 26 juin 1991 et le 10 mars 1992. Dès que les médias se sont intéressés à cette affaire, les noms des avocats de Raddad sont apparus. Maîtres Baudoux et Girard s’épanchaient pendant qu’inlassablement, nous agissions. Il est vrai que leur marge de manœuvre était étroite pour établir les bases de leur argumentation. Ils ont, très vite et remarquablement, initié un climat médiatique favorable à leur thèse. Maîtrisant la presse, ils instillaient le doute, laissant entrevoir l’erreur judiciaire. Ils ont facilement gagné la bataille de l’information, mais sans gloire, n’étant pas contredits par les institutions soumises aux obligations de réserve et au respect du secret de l’instruction. L’opinion publique toujours prête à s’émouvoir a pris, sans savoir, fait et cause pour Omar Raddad.
Onze ans après, vous n’avez pas changé d’avis. Pourtant, vous avez été manipulés, et encore aujourd’hui tout est fait pour que vous ne changiez pas d’opinion. Lorsqu’on connaît le dossier, les flagrants délits de contrevérités ne manquent pas, mais ils font partie de la règle du jeu, et je l’admets, d’une stratégie de défense que je conçois. Telle est l’ambiance dans laquelle nous avons poursuivi les investigations, inlassablement, inexorablement et sans faillir. Mais vous ne retiendrez qu’une chose : cette enquête a été bâclée, mal ficelée, truquée et tronquée. En quelque sorte, nous, gendarmes et magistrats, avions trouvé le coupable idéal et l’avons accablé ! Pensez-vous que nous ayons vocation à créer un suspect, que cela soit dans notre code de déontologie ?
Cette affaire était trop alléchante et elle a attiré toutes sortes de personnages qui apparaissent couramment lorsqu’une affaire judiciaire est médiatisée. Deux de ces individus ont effectué, pour le compte de Maîtres Baudoux et Vergès, des enquêtes parallèles qui ajouteront à la confusion. Journalistes se laissant abuser, opinion publique manipulée et bernée par ces privés, sur lesquels je reviendrai plus longuement. Depuis le début de cette affaire, je me suis souvent posé cette question : l’opinion publique, dans son ensemble, fait-elle plus confiance à une enquête contradictoire et normative des gendarmes et de la justice qu’aux fadaises serviles et vénales d’enquêteurs salariés ? Aujourd’hui encore, je ne suis pas certain de la réponse.
Si vous me posez la question de savoir si j’ai l’intime conviction qu’Omar Raddad est coupable, je vous répondrai que lorsque j’ai remis le dossier au juge d’instruction, j’étais intimement convaincu que Raddad était le meurtrier de Ghislaine Marchal. Avec des années de recul, je le suis encore autant, comme tous ceux qui connaissent le dossier.
Une de mes responsabilités de directeur d’enquête consistait, sous la direction du magistrat instructeur et dans le cadre strict du Code de procédure pénale à rechercher, approcher, découvrir La vérité. Les actes de police judiciaire que j’ai dirigés ont permis d’élaborer une thèse qui a été soutenue par les magistrats. Il n’y a, dans cette démarche intellectuelle, aucune interrogation stratégique.
(à suivre...)
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