Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'"Affaire Omar Raddad".
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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L'affaire Raddad n'est pas l'affaire Dreyfus

Interview exclusive du site "LePoint.fr" du magistrat Laurent Davenas.
Pour le magistrat Laurent Davenas, Omar Raddad reste coupable. Depuis vingt-cinq ans, l'affaire passionne les Français. Tracée sur la porte de la chaufferie avec le sang de la victime, la phrase "Omar m'a tuer" est gravée dans tous les esprits. "Omar m'a tuer", c'est d'ailleurs le titre du film qui vient de sortir. Un plaidoyer pour l'innocence du jardinier marocain, condamné à dix-huit ans de prison pour le meurtre à Mougins de sa patronne, Ghislaine Marchal. Même s'il a été partiellement gracié en 1996 par Jacques Chirac, Omar Raddad reste coupable aux yeux de la justice. L'avocat général à la Cour de cassation Laurent Davenas est celui qui, en 2002, a demandé et obtenu qu'on ne rejuge pas le jardinier marocain. Dans une interview exclusive qu'il accorde au Point, le magistrat réaffirme que la cour d'assises ne s'est pas trompée : Omar Raddad est bien le meurtrier. Un pavé dans la mare.

Le Point : Le film accuse la justice d'avoir fabriqué un coupable...
Laurent Davenas : Rien de nouveau. C'est la thèse depuis le début des avocats d'Omar Raddad. Pour moi, au contraire, on a fabriqué un innocent. C'est le génie de l'avocat Jacques Vergès. En politisant ce fait divers, il en a fait une affaire exceptionnelle qui a coupé la France en deux. C'est devenu l'affaire du jardinier marocain face à la justice coloniale. Il tenait le point d'accroche avec les médias, qui ont foncé tête baissée. Vergès est allé jusqu'à comparer l'affaire Raddad à l'affaire Dreyfus. Je suis désolé, l'affaire Raddad n'est pas l'affaire Dreyfus !

Pourquoi l'affaire Raddad n'est-elle pas l'affaire Dreyfus ?
Il n'y a pas eu de scandale judiciaire. La cour d'assises de Nice a fonctionné normalement. Le jury était convaincu de la culpabilité d'Omar Raddad et l'a condamné. Avant de rédiger mon avis comme avocat général devant la Cour de révision, qui devait dire s'il fallait rejuger ou pas Omar Raddad, je me suis renseigné sur la manière dont le président de la cour d'assises de Nice a mené les débats. À aucun moment il n'a été relevé le moindre propos ou comportement à connotation raciste. Ensuite, pour tenter de faire rejuger l'affaire, les avocats ont brandi de prétendus éléments nouveaux, selon eux suffisants pour faire douter de la culpabilité d'Omar Raddad. J'ai démontré devant la commission de révision que tout cela n'était pas sérieux.

Quels étaient ces nouveaux éléments pour tenter de disculper Omar Raddad ?
La carte maîtresse de la défense qui resurgit aujourd'hui, c'était la présence d'ADN masculins retrouvés près du corps de la victime sur le chevron de la porte de la cave, celle de la chaufferie et sur les fameuses lettres mélangées au sang de la victime. Deux ADN différents qui ne correspondent pas à celui d'Omar Raddad. Le problème, c'est que l'on ne peut pas dater le dépôt de ces traces. Était-ce avant, pendant ou après le crime ? Impossible à dire. Or, pour ne pas contaminer une scène de crime avec de l'ADN, il faut prendre un luxe de précautions. Il suffit d'un postillon ou d'une micro-goutte de sueur pour polluer le site. Durant des mois, la scène de crime, laissée sans protection, a vu défiler des avocats, des jurés, des photographes, des voisins, et même des employés chauffagistes. Qui plus est, ces portes ont été montrées lors du procès. Ces ADN masculins ne prouvent donc rien. À l'époque, les soumettre au Fichier national des empreintes génétiques, qui était balbutiant, n'aurait servi à rien. Aujourd'hui, cela relève avant tout de l'effet de manche. De la mousse médiatique.
Les experts missionnés par la Cour de révision concluent qu'il est impossible d'attribuer à la victime la paternité de la fameuse inscription.

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C'est vrai. Mais ils n'excluent pas que Ghislaine Marchal puisse être l'auteur de la phrase écrite avec son sang. En fait, dans ce dossier, les expertises ont fluctué. Lors de l'instruction, les experts avaient attribué les inscriptions à Ghislaine Marchal avec une probabilité des deux tiers. Le dossier a été parasité par un salmigondis d'expertises privées aux affirmations approximatives, contradictoires ou erronées, mais toujours péremptoires. La Cour de révision a jugé que cette bataille d'expertises ne débouchait sur rien de nouveau au regard du sérieux de l'enquête. Celle-ci, très fouillée, montre que c'est bien la victime qui a puisé dans ses dernières forces pour désigner son meurtrier. Et non pas un assassin diabolique qui aurait utilisé la main inerte de Ghislaine Marchal pour faire accuser le jardinier à sa place. Sans compter que la fameuse faute "tuer" à la place de "tuée", on la retrouve dans les mots croisés que faisait la victime. Ce qui prouve qu'Omar a bien tué sa patronne, c'est que la porte du local où on a retrouvé le corps ne peut avoir été bloquée que de l'intérieur, comme l'ont montré les expertises. La victime, qui s'était barricadée dans la chaufferie, a probablement survécu plus d'un quart d'heure aux coups de couteau de son agresseur dont aucun, à lui seul, n'était mortel. On a retrouvé dans l'ourlet du pantalon d'Omar un peu de terre que l'on peut corréler avec celle du sol de la chaufferie, alors que, selon lui, il n'y mettait jamais les pieds.

Est-on sûr que la victime est bien morte le 23 juin 1991, et non pas le lendemain, comme le suggère une expertise produite par la défense ?
Les avocats d'Omar se sont démenés pour dater le meurtre du 24 juin parce que, ce jour-là, Omar dispose d'un alibi. Mais l'expertise qu'ils ont produite devant la Cour de révision n'a absolument pas convaincu. Dater la mort avec précision, c'est le rêve de tous les détectives dans les polars. Mais c'est impossible. Surtout lorsque l'expert mandaté n'est pas médecin légiste mais toxicologue-pharmacologue ; qui plus est, il a osé donner son avis à partir de photos. Plus que les déductions médico-légales, c'est l'enquête de police qui permet le plus souvent de savoir ce qui s'est réellement passé. Ainsi, l'étude des relevés téléphoniques montre que Ghislaine Marchal ne décroche plus le combiné à partir de 11 h 50, le 23 juin, alors qu'elle venait de confirmer sa présence à un déjeuner le jour même et qu'elle avait conversé au téléphone avec une de ses amies de 11 h 29 à 11 h 41. Dans cette affaire, les médias ont souvent été instrumentalisés.

Pourquoi dites-vous cela ?
Les journalistes ont trop souvent pris pour argent comptant les trouvailles d'un cabinet de détectives payé à prix d'or pour refaire l'enquête qui aurait été bâclée par des gendarmes forcément racistes. Pour avoir fait leur miel de ces informations, certains journaux se sont fait taper sur les doigts par la justice. Ils ont été condamnés pour avoir, sans preuve, fait peser des soupçons sur le fils de la victime, qui entretenait des rapports prétendument orageux avec sa mère. Dans l'affaire Raddad, le rôle joué par le cabinet de détectives préfigure une américanisation de la justice française, avec des avocats qui font appel à des sociétés privées pour refaire l'enquête.

Reste le mobile. Pourquoi Omar Raddad aurait-il tué sa patronne ?
Il était aux abois financièrement, il jouait aux machines à sous. Au moment du meurtre, ses comptes étaient dans le rouge, il n'avait pas de quoi payer son loyer. Sa femme lui réclamait cet argent sous peine de le quitter. Je suis intimement convaincu qu'Omar Raddad est venu réclamer une avance chez Ghislaine Marchal - il l'avait fait auparavant chez un autre de ses patrons - et que celle-ci, surprise en bigoudis et chemise de nuit, l'a sèchement éconduit, provoquant chez lui une réaction d'extrême violence. Omar Raddad était violent, comme en témoignent ses dérapages en prison.

Source : LePoint.fr

Georges Cenci

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