Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'"Affaire Omar Raddad".
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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J'ai lu quelques commentaires sur un autre site internet qui évoquaient un certain Christian VELARD

Courriel reçu le 29 aout 2013, de Poilagratter.

Bonjour Monsieur Cenci. J'ai lu quelques commentaires sur un autre site internet qui évoquaient un certain Christian VELARD. D'après ceux-ci, ce témoin se serait trouvé sur le chemin ou la route menant au domicile de Mme MARCHAL et qui, dans le temps supposé du passage de Omar RADDAD ne l'aurait pas vu. Le témoignage de cette personne n'est-il pas un élément à décharge concernant le jardinier ? Vous remerciant d'avance pour votre réponse. Cordialement.

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@ Poilagratter :
Votre question n'est pas sans intérêt. En effet, si le témoignage de cette personne avait été admissible, c'était un élément à décharge tout au moins de doute en faveur de Raddad. Or, vous allez constater dans ma réponse que les assertions de Christian Vellard, recoupées avec d'autres éléments de l'enquête, n'étaient pas crédibles. Et pour cause !
Je me référerai aux procédures de crime flagrant et de l'information judiciaire pour vous communiquer les éléments attestant du peu de crédit à apporter aux allégations de Christian Vellard.

Tout d'abord, lors de l'enquête de crime flagrant, nous n'avions aucune raison de procéder à son audition tant son domicile était éloigné du quartier St-Barthélémy et de la Chamade où s'est produit le crime.
Jusqu'au 1er octobre 1991, Christian Vellard était inconnu des enquêteurs et n’apparaissait donc pas dans la procédure. Ce jour-là, il se présentait à la compagnie de gendarmerie de Cannes, accompagné de Jean-Claude Goldstein - un résident du quartier St-Barthélémy - et demandait à me rencontrer. Je les recevais bien évidemment. Christian Vellard monopolisait la parole alors que Jean-Claude Goldstein se montrait pour le moins très discret.

Comme je l'écrivais dans mon rapport de synthèse :
« Ce que nous déclare Christian Vellard est important. Sur les assertions de sa femme, après une rencontre avec les Pascal, il a un "flash" lorsqu’il apprend que les villas Pascal et Marchal ne sont pas mitoyennes comme il le pensait mais distantes de 400 mètres.
Il raconte que le jour du meurtre, il se trouvait sur le chemin St-Barthélémy, en conversation avec son ami, Jean-Claude Goldstein, entre 11 heures 45 et 12 heures 15. Et, que si Omar avait pris ce chemin il l’aurait vu.
Dans le même temps, Francine Pascal téléphone à la gendarmerie et demande à être entendue sur un détail d’importance. Elle vient de se souvenir d’un appel anonyme reçu après sa première audition, le lundi 24 juin 1991, annonçant : « il en a fait de belles votre jardinier - elle l’a écrit avec son sang ». Cet appel, Francine Pascal n’en fera jamais état lors des nombreuses visites des gendarmes dans sa propriété et au cours de sa déposition du 8 août 1991.
Si l’on tient compte de l’ambiance de ce dossier, son débordement médiatique, la situation géographique des lieux et des témoins, ces témoignages tardifs laissent les enquêteurs circonspects quant à leur crédibilité. »

Après information puis décision du juge d'instruction nous mettions toutes ces personnes sous surveillance téléphonique. Les techniques au domicile de Boisson (le gendre de Mme Pascal) et Goldstein n’apportaient aucun élément susceptible de servir à la manifestation de la vérité.
Chez Francine Pascal se confirmait ce que nous savions déjà : son sentiment personnel de l’innocence de son jardinier. Par contre, en Christian Vellard, un personnage était né et allait faire la Une des médias de la presse écrite et télévisée. Néanmoins, lorsque nous relisions la retranscription des conversations, je dois avouer que sa femme n’avait rien à lui envier en matière de commérage et de comédie. En effet, les écoutes dévoilaient l’état d’esprit significatif et révélateur de cet homme et de son épouse ; qui était fière que son mari passe à la télévision et apparaisse dans des articles sur Paris-Match.
C’est ainsi, comme je le mentionnais dans mon rapport, que se révélait une simulation d’appel à la gendarmerie de Cannes où l’intéressé déclarait qu’il ne pouvait déférer à la convocation qu’il avait reçue. Problème majeur : au moment de cet appel simulé, aucune convocation ne lui avait été adressée. Elle n’était par conséquent qu’imaginative. Avant et après son audition, se remarquaient des appels au cabinet de Me Girard à Cannes. Sur directives du magistrat instructeur, ces communications n'étaient pas retranscrites.
Les effets néfastes de la médiatisation excessive et partisane fragilisaient tous les jours davantage les ingénus et les esprits les plus simples. Nous décidions, le 12 décembre 1991, de procéder à l'audition des personnes que nous avions placées sous écoute.

L'audition de Roland Boisson n'apportait rien de concret si ce n'étaient les confidences soupçonneuses de Christian Vellard sur un voisin de Ghislaine Marchal : un prénommé Gilbert.
Celle de Francine Pascal démontrait qu'elle était guidée par sa conviction, qui ne s’appuyait que sur ses sentiments charitables envers son jardinier. Cette vieille dame digne et vénérable mais sous influence était pathétique dans ses démarches désespérées mais maladroites pour tenter d'influer sur le cours de la justice. Elle ne pouvait expliquer, ne savait plus. A ses convictions se mêlaient confusément ses doutes.

Quant à Jean-Claude Goldstein, il déclarait n’avoir aucune révélation à faire car si tel avait été le cas, il en aurait aussitôt informé la gendarmerie. En ce qui concerne sa présence sur le chemin St-Barthélémy - qui desservait sa résidence et celle de La Chamade - le dimanche 23 juin, il ne pouvait être affirmatif mais se référait à la déclaration de Christian Vellard. Il précisait qu'il raccompagnait souvent son ami au portail lorsque celui-ci lui rendait visite, avant ou après midi et qu’ils ne restaient pas plus de cinq minutes à discuter.
Jean-Claude Goldstein trouvait illogique qu’une personne, quelle qu’elle soit, puisse se souvenir trois mois après, de tels détails. Il concluait que son ami de très longue date, Christian Vellard, était un homme bavard qui s’était polarisé sur cette affaire, et ne comprenait pas pourquoi.
Christian Vellard, dès le début de son audition, se montrait évasif sur la date qu’il estimait à 90% être la fin du mois de juin. Il était changeant en ce qui concernait le créneau horaire initialement déclaré : de 11 heures 45 à 12 heures 15, il le réduisait de midi à 12 heures 15, puis disait se trouver à la boulangerie vers midi, midi un quart. Cependant, sa présence dans ce commerce n’était pas remarquée par une cliente, Micheline Tomas, qui s'y trouvait entre 12 heures/12 heures 05 et 12 heures 15/12 heures 20, et qui le connaissait.
Quel crédit accorder au témoignage de cette personne qui analysait cette affaire à partir d’éléments d’information lus dans la presse et qui était absolument convaincue de l’innocence d’Omar Raddad. Une situation permettait de classer Christian Vellard et son épouse dans la catégorie des fantaisistes. Elle concernait sa déposition du 18 décembre 1991 où il faisait état d’un appel téléphonique anonyme reçu par sa femme ; appel dont nous ne retrouvions pas la trace sur les listings des écoutes téléphoniques de son domicile.

J'ai vécu des moments inoubliables lors de l'audition de Christian Vellard. Quelques détails situent parfaitement le personnage.
A ma question de savoir qui avait sollicité les journalistes pour l'édition de ses révélations tardives il me répondait que c'étaient les journalistes qui l'avaient sollicité et ajoutait : « C'est certainement l'avocat qui me les a envoyés ». Il m'assurait qu'il lui avait téléphoné quelques jours auparavant. En effet, Christian Vellard téléphonait le 28 novembre 1991 à 16 heures 37, au cabinet de Me Girard car il avait disait-il quelques petits renseignements à demander avant de faire sa déposition à la gendarmerie.
Et après sa déposition il n'avait pu résister à rendre compte de sa garde à vue à un collaborateur de ce même cabinet : « Je suis M. Vellard, le témoin pour l’affaire Marchal. J’aurais voulu dire à Me Girard que j’ai fait ma déposition chez (sic) la gendarmerie, hier. Et qu’il y en a sept pages. Et j’ai été gardé à vue parce que c’est comme ça qu’ils disent, de 9 heures du matin à 17 heures. Alors j’ai fait une déposition. Il y en a pour sept pages. J’ai maintenu ce que je lui avais dit. Là-dessus, il n’y a pas de problème. Mais enfin, ils ont voulu me faire dire le contraire ».

Impénitent et imprudent bavard. Hâbleur même lorsqu'il racontait sa garde à vue à qui voulait l’entendre ou quand il manifestait à son ami Goldstein sa détermination d’exiger des gendarmes d’être placé sous écoutes. Il était trop tard pour lui ! Il y a longtemps que nous suivions ses gesticulations. Je ne sais pas s’il fallait en sourire ou le prendre en commisération lorsqu'il simulait des appels à la gendarmerie avec la complicité de sa femme, se montait un scénario, se donnait de l’importance. Ses extravagances n’avaient dû abuser que les crédules qui l’écoutaient et avaient même dû faire sourire ses courtisans manipulateurs. Et que dire de ses vitupérations proférées le 17 décembre 1991 à l’encontre de Gilbert Foucher, lorsqu’il faisait état de ses prétendues agressivité et condamnation ; dont plus tard Me Vergés se servira pour le soupçonner du meurtre. Vellard qui osait dire que Goldstein était son ami, et à qui il mentait effrontément sur le prétendu appel anonyme lorsqu’il le simulait à la gendarmerie de Cannes.

L'audition de ces personnes démontrait qu'elles n'avaient plus le libre arbitre de la réflexion mais se trouvaient sous l'emprise d'une passion irraisonnée ; effet d'une information tronquée et unilatérale. Un homme était sensé dans cette intrigue car impliqué à son insu. Cette personne, pleine de bon sens et de sagesse, dont la crédibilité contrastait avec les fanfaronnades, vantardises et autres hâbleries de son ami de soixante ans, c’était Jean-Claude Goldstein.

Alors que ces témoignages étaient de nature à mettre en doute les vérifications de l’alibi de Raddad, cette machination, très maladroitement orchestrée, ira à l’encontre du but espéré. D'autres éléments attestaient formellement qu'il ne se trouvait pas, le dimanche 23 juin 1991 sur le chemin St-Barthélémy en compagnie de Jean-Claude Goldstein.
Les investigations sur les consommations téléphoniques de la ligne de Christian Vellard démontraient que le week-end du 22 et 23 juin 1991 il était absent de son domicile. Je m’appuyais pour écrire cela sur deux éléments qui se recoupaient parfaitement pour les rendre crédibles. Le premier ressortissait des témoignages. Christian Vellard me déclarait, six mois après le meurtre, que le samedi 22 juin vers 21 heures 30/21 heures 45 il avait répondu à un appel de Jean-Claude Goldstein qui était souffrant. Il l’avait rappelé en fin de soirée, et avait été rassuré par son ami. Bel acte de camaraderie. Or, Jean-Claude Goldstein ne se souvenait pas de cet appel. Et pour cause, son ami ne l’avait jamais appelé ce jour-là. Si tel avait été le cas, nous aurions retrouvé cet appel sur l’historique des consommations. Christian Vellard mentait ou confondait, car malgré sa pathologie de téléphonite aiguë, et c’est le deuxième élément, aucun appel n’était comptabilisé ce week-end. En poussant plus loin l’analyse, on constatait que pour les week-ends du mois d’avril au mois d’août 1991, trois seulement étaient vierges de toute consommation ; dont celui du 22 et 23 juin. Mélange de subjectivité et d’objectivité ! Chacun se déterminera.

Afin de mieux cerner la personnalité de Christian Vellard je vous recommande de lire ce texte que vous découvrirez, peut-être, en ouvrant ce lien : « Qu'en est-il de l'information faisant état de l'existence d'un deuxième Omar » où Christian Vellard s'était illustré !

Mille excuses Poilagratter d'avoir été si long mais votre question méritait que je développe la réponse.
Très cordialement.

Georges Cenci

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