Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'"Affaire Omar Raddad".
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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Trente ans après, les soutiens d'Omar Raddad persistent… et les accusateurs aussi

Un article de Théo Moy, publié le 10 juillet 2021 sur "Marianne"

 

Trente ans après le meurtre de Ghislaine Marchal, le dossier Omar Raddad électrise toujours les débats entre les défenseurs du jardinier, qui espèrent une révision du procès, et des accusateurs plus discrets mais toujours convaincus.

 

 

Tuée le 23 juin 1991, Ghislaine Marchal aurait désigné dans deux inscriptions ensanglantées le nom de son bourreau de meurtrier, Omar, comprendre Omar Raddad, son jardinier. C’est en tout cas la thèse des enquêteurs puis du juge, qui condamnera le marocain illettré pour ce crime en 1994. Depuis la grâce partielle accordée en 1996 par Jacques Chirac, inspiré par Hassan II, la défense se démène pour prouver l’innocence de Raddad et obtenir la révision du procès.

Énième étape dans cette quête de l’absolution judiciaire : le dépôt le 26 juin dernier d’une nouvelle requête en révision par son avocate actuelle Maître Sylvie Noachovitch, qui s’appuie sur une analyse ADN qui pointe vers d’autres suspects. 1991-2021 : trente années de lutte médiatique entre une défense aux ressources inattendues et aux soutiens puissants et une partie civile longtemps muette mais dont nul élément ne perturbe l’intime certitude, celle qu’Omar l’a tuée.
 

DEUX "AVOCATS DES PAUVRES" ADVERSAIRES
Quand il sort de prison le 4 septembre 1998, partiellement gracié par Chirac, Omar Raddad tombe dans les bras de Jacques Vergès, avant de l’embrasser trois fois. C’est qu’il lui doit beaucoup, à l’avocat du FLN. Son prestige et son talent oratoire ont participé à transformer un fait divers en affaire d’État. Nul n’a oublié ses mots au sortir du procès de 1994, sa comparaison entre le sort du jardinier musulman et celui d’un certain officier juif, l’illustre Alfred Dreyfus. L’affaire Raddad est la dernière de sa carrière, celle que l’on cite pour se rappeler que le défenseur des dictateurs africains a aussi été, pour certains, l’avocat des pauvres. Omar Raddad, il le définit auprès de Jean-Marie Rouart comme « son premier innocent », plus habitué à défendre des bourreaux comme Klaus Barbie qu'un homme comme Omar Raddad, qu’il croit victime d’une injustice.

Pour affronter Jacques Vergès au tribunal de Nice, la famille de Ghislaine Marchal a choisi Henri Leclerc, autre prétendant sérieux au titre d’« avocat des pauvres ». Le Président de la Ligue des droits de l’homme et compagnon des routes des luttes sociales a le meilleur profil pour balayer toute accusation de racisme. Un spectre qui hante le dossier, la défense considérant qu’Omar Raddad a eu droit à un traitement spécial et un regain de suspicion en raison de ses origines et de son analphabétisme. Henri Leclerc, lui, s’est forgé une conviction, celle de la culpabilité de Raddad, et prend courageusement le dossier, en sachant que cela lui sera reproché. Le procès d’Omar Raddad restera l’un des seuls où il s’est assis sur le banc des parties civiles.

LA SPHÈRE MAROCAINE
Jacques Vergès a été pendant des années le lien entre les défenseurs d’Omar Raddad, qu’ils soient écrivains, politiques, détectives, ou anonymes. Il a également été au cœur d’une intrigue marocaine autour de l’affaire Raddad, qui rencontre dans ce pays un grand écho populaire. Au lendemain de la condamnation du jardinier, Moulay Hicham, neveu du roi Hassan II, connu pour ses idées libérales sinon révolutionnaires, fait des pieds et des mains pour écarter Vergès et le remplacer par des avocats qui lui sont proches.

Une façon de « faire concurrence à son oncle », analyseront Roger-Marc Moreau et Christophe Deloire dans leur livre. De véritables « luttes de pouvoir au Maroc » qui auront « divisé sa famille et ses défenseurs », regrettent les coauteurs. Car le père d’Omar Raddad, guidé par Moulay Hicham, pressera son fils de licencier Vergès, quand son épouse lui demandera de conserver l’illustre avocat. Une visite d’un consul envoyé par Hassan II en prison achèvera de convaincre Omar Raddad d’écouter son épouse, mais au prix d’un différend familial qui desservira sa cause.

Moulay Hicham, pas découragé, mandatera un détective privé, Bernard Naranjo, pour apporter de nouveaux éléments. Ce dernier dégotera un suspect alternatif mais pas de quoi renverser l’enquête. La sphère marocaine n’en aura pas été moins influente dans cette affaire. En 1996, c’est Hassan II qui demande à Jacques Chirac la grâce du jardinier marocain, qu’il aurait obtenue en échange de la libération de quelques prisonniers français. À cette sphère marocaine, s’ajoute celle de ceux qui, en France, vont se battre dès 1995 pour la révision du procès.

L’ACADÉMICIEN OBSESSIONNEL
La figure incontestable en est l’académicien Jean-Marie Rouart, qui va remuer ciel et terre pour le défendre. « C’est mon combat de 26 ans ! », souffle-t-il à Marianne quand on le contacte. Lorsqu’il découvre le fait divers dans la presse en juin 1991, il est en vacances, en Corse. Il se dit « tout de suite » que la veuve n’a pas pu écrire les lettres qui désignent Omar, « c’est pas possible ».

Au lendemain du procès, Jean-Marie Rouart réunit un comité de soutien avec Jean d’Ormesson, Erik Orsenna, Albin Chalandon, et même Gabriel Matzneff. Dans Le Figaro dont il est un pilier, il multiplie les papiers pour défendre le jardinier. Pour lui, l’affaire a été expédiée par la justice car il ne fallait pas trop fouiller du côté de la famille de Ghislaine Marchal, dont le beau-frère n’est autre que le bâtonnier Bernard du Granrut.

Dans sa fougue, l’académicien va jusqu’à évoquer un « complot » dans ce qu’il désigne aujourd’hui comme un « papier de trop ». En 2002, il est poursuivi en diffamation par la famille de Ghislaine Marchal. « J’ai été lourdement condamné, traîné dans la boue », raconte Jean-Marie Rouart. Qui voit autre chose derrière cette plainte : « Cette grande bourgeoisie qui me voit comme un des leurs, ils ne peuvent pas comprendre pourquoi j’ai trahi leur camp pour un jardinier marocain. Mais je me fous des classes sociales, j’ai une conception universaliste ». La condamnation lui vaudra aussi d’être « viré du Figaro ».

LE MINUTIEUX ENQUÊTEUR PRIVÉ
Avec l’académicien original, le détective minutieux va devenir une autre figure de la défense de Raddad. Cet enquêteur, c’est Roger-Marc Moreau, un fin limier chargé par Jacques Vergès, au lendemain du procès de 1994, de fouiner pour trouver matière à révision. De la matière, il va en trouver. C’est lui qui est allé dénicher le compagnon de la femme de ménage de Ghislaine Marchal, dont le témoignage prouverait que cette femme a menti sur ses occupations le week-end du meurtre. Ce témoignage oriente les soupçons vers l'amant de la femme de ménage, Pierre Auribault dit Pierrot le fou, un « sacré cambrioleur » selon Moreau…

Comme tant d’autres dans cette affaire, il est tombé dedans sans se douter qu’il y serait encore trente après, à la veille d’une nouvelle tentative de réhabilitation, alors que les autres ont échoué. Roger-Marc Moreau a, dans un livre avec le journaliste Christophe Deloire, critiqué vertement l’enquête des gendarmes, « ayant trouvé le coupable, ils ont voulu prouver que le crime lui profitait ». De Georges Cenci, le gendarme chargé de l’enquête, ils écrivent qu’il est un « romancier du dimanche ».

LE FIDÈLE CAPITAINE DE GENDARMERIE
Une inimitié que Georges Cenci lui rendra bien. Car ce capitaine, rapidement convaincu de la culpabilité du jardinier, en est devenu un critique public, au point d’animer encore aujourd’hui un blog intitulé « Omar l’a tuée ». De Roger-Marc Moreau, il écrit que son travail a « contribué à créer une information partiale, souvent mensongère et truquée, trompeuse et partisane au regard de ce qui s'est réellement produit ».

Une réalité que le gendarme a présentée par le menu dans un livre qui porte le même nom que son blog. Dès l’avant-propos, il ne fait pas dans la demi-mesure : « Vous avez oublié les souffrances, l'agonie, le courage de Ghislaine Marchal mais vous avez toujours présents à l'esprit sa dénonciation ante mortem et le nom de son criminel. Ce n'est pas l'affaire Marchal, c'est l'affaire Omar ». Double objectif : se blanchir d’avoir bâclé l’enquête - des propos « inadmissibles, ineptes, irresponsables et grotesques » - et charger Omar Raddad. Dans son viseur, la défense de Vergès, un « pathétique et percutant auxiliaire de justice ». Jean-Marie Rouart, lui, n’est qu’un « intellocrate ».

UN PRÉSIDENT ET UNE FAMILLE MURÉS DANS LE SILENCE
En sus d’honorer la mémoire de Ghislaine Marchal, Georges Cenci a à cœur de défendre le juge qui a condamné Omar Raddad, Armand Dijan. Décédé en septembre, 2020, Georges Cenci lui rend un hommage appuyé, alors qu’ils sont devenus « amis ». Le fidèle Georges Cenci continue de mener une bataille médiatique pour défendre la culpabilité de Raddad. Et il est dans cet exercice, bien seul. Henri Leclerc et le président Dijan se sont rarement épanchés sur l’affaire. La famille est elle aussi longtemps restée silencieuse. Sabine du Granrut, nièce de la victime, a évoqué auprès du Mondeune « erreur stratégique », qui serait liée à une « pudeur bourgeoise ».

S’il ne répond plus aux journalistes, le capitaine Cenci continue de prendre les soutiens… d’où qu’ils viennent. Il relaye ainsi en 2016 une vidéo de Mohammed Henni, un pitre du net davantage connu pour son soutien à l’Olympique de Marseille et ses coups de hache dans les écrans de télévision que pour ses qualités d’enquêteur… Dans cette vidéo informée, le Youtubeur reprend les arguments de l’accusation et le récit des faits tels que présentés par le capitaine Cenci. « Les médias vous ont gavé de mensonges comme des oies », assène Mohammed Henni, avant de proclamer avec son habituel bagout « Madame Marchal, tu es ma sœur ». Une vidéo anecdotique, mais qui dit beaucoup de la folie qui touche tous ceux qui se sont intéressés à cette affaire hors-norme.

 

Sollicités par Marianne Henri Leclerc, Sabine du Granrut et Georges Cenci n’ont pas donné suite à nos propositions d’entretien.

 

Georges Cenci

Administrateur : Georges Cenci

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Marjenka2 Marjenka2 ·  26 décembre 2021, 11:43

Ah ! ils peuvent jouer les malins, les médias !
En effet, aucun apparemment d' entre eux, ni leurs gobes mouches qui sont leur lecteurs, ne se sont posé la question de savoir si le fameux grand investigateur médiatique est en réalité un vrai et authentique criminaliste ! Ni d' ailleurs pourquoi il n' exerce plus officiellement le job de détective privé !

.... Alors qu' en réalité, il a en fait quitté l' école en 3 ème, malgré ce qu' il raconte, et que s' il n' exerce plus en tant que détective, c' est tout simplement parce qu' il est en liquidation judiciaire depuis 2012 !!!! et ceci sans parler des diverses condamnations dont il a été l' objet et qui pourtant figurent sur google en tapant les mots clef !

Ils sont beaux les fameux médias ! Ils mériteraient une médaille ! mais pas celle qu' ils croient !
A titre indicatif, voici ce qu' est un criminaliste ! ..... https://www.l4m.fr/emag/metier/secu...

Georges Cenci Georges Cenci ·  27 décembre 2021, 18:38

@ Marjenka.
Vous semblez bien connaître l'oiseau et l'apprécier à sa juste valeur. Si je lis entre les lignes je vois non pas le grand investigateur qui lutte pour réparer les erreurs judiciaires mais un vrai et authentique escroc qui sévit d'ailleurs en toute impunité. Beaucoup de personnes qui s'intéressent à cette affaire devraient lire l'ouvrage de Guy Hugnet "Affaire RADDAD le vrai coupable". Édifiant sur la personnalité de cet individu.
Et vous avez des auxiliaires de justice peu regardant qui s'acoquinent avec ce genre d'individu sans se renseigner sur leur probité... et leur passé.
J'ai eu plaisir à vous lire. Vous souhaite tout le meilleur pour 2022.

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