Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'"Affaire Omar Raddad".
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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Décision de la commission d'instruction de la cour de révision et de réexamen : REJET DE LA REQUÊTE

Voici le texte intégral de décision rendue le 13 octobre 2022, de la commission d'instruction de la cour de révision et de réexamen déposée par la défense d'Omar RADDAD. (Document également disponible en PDF et en libre téléchargement ici : une ordonnance d'irrecevabilité de la requête)

 

COUR DE RÉVISION et de RÉEXAMEN 
COMMISSION d'INSTRUCTION

 

N° 21 REV 078 RADDAD Omar

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

M. Omar Raddad a présenté une requête en révision de l'arrêt de la Cour d'assises des Alpes-Maritimes, en date du 2 février 1994, qui, pour meurtre, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseillère-rapporteure, les observations de Me Noachovitch, avocate de M. Raddad, celles de Me Sevaux, avocate aux Conseils, pour M. Christian Veilleux, partie civile, et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience en chambre du Conseil du 15 septembre 2022, au cours de laquelle M. Raddad a eu la parole en dernier, et où étaient présents M. d'Hily, président, M. Boyer, Mme Ott, M. Violeau, membres de la commission, Mme Guénée, greffier, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022.

La commission d'instruction de la Cour de révision et de réexamen, en sa séance tenue en chambre du conseil, au Palais de justice, à Paris, le treize octobre deux mille vingt-deux a rendu la décision suivante, en présence de M. Croizier, avocat général.

 

Faits et procédure :

1. Il résulte des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le lundi 24 juin 1991, des amis de Ghislaine Marchai, inquiets qu'elle ne réponde pas au téléphone alors que son absence avait été constatée à un déjeuner prévu la veille, ont alerté la gendarmerie après des recherches infructueuses effectuées par les agents de la société chargée de la surveillance de sa villa à Mougins. Parvenus sur les lieux, les gendarmes ont appris que la villa avait été découverte, alarme débranchée et porte ouverte, en début d'après-midi et que Ghislaine Marchai demeurait introuvable malgré une visite complète de son habitation.

3. Poursuivant les recherches dans le sous-sol à usage de cave et de chaufferie dont la porte était fermée à clef, ils ont tenté d'ouvrir cette porte avec une clef trouvée dans la villa. Malgré le déverrouillage de la serrure, après une forte poussée exercée par deux gendarmes, il a été découvert un lit pliant, posé sur le sol qui faisait obstacle à l'ouverture. Un des gendarmes a réussi à le repousser sans pour autant débloquer la porte, qui résistait toujours, le dernier obstacle à l'ouverture étant constitué par un tube métallique placé sous la porte, que l'un des gendarmes a réussi à chasser d'un coup de pied donné à l'aveugle.

4. Dans le couloir du sous-sol, les gendarmes ont remarqué une porte donnant accès à une cave à vin, sur laquelle était inscrit, avec du sang « OMAR M'A TUER », puis, sur une autre porte permettant l'accès à la chaufferie, une seconde inscription « OMAR M'A T ». Dans ce local, ils ont découvert Ghislaine Marchai, morte, allongée face contre terre, vêtue de son seul peignoir ensanglanté, les cheveux maculés de sang.

5. La victime présentait à la tête des plaies ayant l'apparence de coups portés avec un instrument contondant pouvant être un chevron découvert près de la porte d'entrée, au cou une plaie d'égorgement et sur le corps diverses plaies par arme blanche correspondant à une lame effilée de 15 à 20 cm de long et de 2 cm de large à double tranchant. Une telle arme n'a pas été retrouvée sur les lieux, ni par la suite lors de l'enquête. Les principales blessures consistaient en des plaies transfixiantes des lobes du foie et une éventration d'une longueur de 14 cm. L'examen par les experts ayant pratiqué l'autopsie a montré qu'aucun des coups n'était à lui seul mortel et que l'agonie de Ghislaine Marchai avait duré 15 à 30 minutes de sorte que la victime disposait de forces suffisantes pour bloquer la porte de l'intérieur et apposer les inscriptions.

6. Les enquêteurs ont identifié la seule personne prénommée Omar dans l'entourage de la victime, comme étant son jardinier, M. Omar Raddad.

7. Celui-ci, interpellé le 25 juin 1991 à Toulon, au domicile de sa belle-mère, où il avait rejoint son épouse et ses enfants le 24 juin au matin pour célébrer une fête religieuse, a indiqué avoir travaillé le dimanche 23 juin chez Mme Pascal, voisine de Ghislaine Marchai.

8. Raddad a toujours nié avoir commis ce crime.

9. Au terme de l'information judiciaire, M. Raddad a été mis en accusation devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour meurtre.

10. Par arrêt du 2 février 1994, la cour d'assises a déclaré M. Raddad coupable et l'a condamné à la peine de dix-huit ans de réclusion criminelle.

11. Le 9 mars 1995, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre l'arrêt de condamnation et l'arrêt civil subséquent.

12. Par décret de grâce du 23 mai 1996, le Président de la République a accordé à M. Raddad une remise de peine de quatre ans et huit mois.

13. Par requête du 27 janvier 1999, l'avocat de M. Raddad a saisi la commission de révision des condamnations pénales aux fins de révision de sa condamnation en développant plusieurs arguments visant à démontrer que le meurtre n'aurait pas été commis le 23 juin 1991 mais le 24 juin 1991, soutenant que de nouvelles expertises en écritures démontreraient que Ghislaine Marchai n'était pas l'auteur des inscriptions dénonçant « Omar », que l'on pouvait s'interroger sur le rôle de la femme de ménage de la victime, Mme Receveau, et du fils de la victime, M. Veilleux et que le meurtrier était en mesure de bloquer la porte d'entrée de la cave avant d'en sortir. Postérieurement au dépôt de cette requête, il était également sollicité de procéder à de nouvelles analyses biologiques sur les portes supportant les inscriptions.

14. A la suite de cette requête, la Commission a ordonné trois expertises, la première désignant de nouveaux médecins légistes visant à faire préciser la date des faits et de la mort de Ghislaine Marchai, la deuxième mandatant de nouveaux experts en écriture et en police scientifique aux fins de dire s'il était possible d'attribuer à Ghislaine Marchai les inscriptions figurant sur les deux portes et enfin, la troisième visant à faire procéder M'analyse des traces des inscriptions sur les portes et de celles laissées par une main, ainsi qu'à une comparaison génétique.

15. Par décision du 25 juin 2001, la Commission, écartant tous les éléments nouveaux invoqués quant à la date du meurtre, à la fermeture de la porte, à la mise en cause de Mme Receveau et de M. Veilleux, a cependant saisi la Cour de révision en raison d'incertitudes sur l'auteur des inscriptions et sur les analyses génétiques aux motifs, d'une part, que les experts en écriture considéraient qu'aucune identification de l'auteur des inscriptions n'était possible alors que les experts désignés par le juge d'instruction avaient formellement conclu que Ghislaine Marchai avait tracé de sa main les deux messages, d'autre part, que s'il apparaissait que les portes supportant les inscriptions avaient pu être manipulées sans précaution et examinées par de nombreuses personnes, enquêteurs, experts, journalistes, la présence d'un ADN masculin différent de celui de M. Raddad constituait néanmoins un élément nouveau de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.

16. Par arrêt du 20 novembre 2002, la chambre criminelle siégeant comme Cour de révision a rejeté la demande en révision en retenant notamment que si le dernier rapport sur l'identification de l'auteur des inscriptions concluait à l'impossibilité technique de comparer des lettres tracées par une personne écrivant dans les conditions de la calligraphie avec d'autres écrits réalisés sur un support vertical avec du sang, par un scripteur à genoux ou couché, il n'excluait pas que Ghislaine Marcha! fût néanmoins l'auteur des inscriptions, ajoutant par ailleurs que l'examen en lumière rasante de la porte de la chaufferie avait révélé la présence de caractères évanouis dont certains, désignant « Omar », avaient été tracés sous les inscriptions visibles et dont d'autres complétaient l'inscription « Omar m'a t », cette découverte, loin d'accréditer la thèse d'un scripteur autre que la victime, étant au contraire propre à établir que celle-ci était bien l'auteur des inscriptions. S'agissant des analyses génétiques, l'arrêt retient que s'il a été découvert de nouvelles empreintes génétiques masculines sur les deux portes servant de support aux inscriptions, il est néanmoins impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces avaient été laissées.

17. Le 1er octobre 2014, M. Raddad a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice aux fins d'investigations complémentaires, notamment d'une nouvelle expertise génétique à partir de prélèvements de matières supplémentaires sur les portes de la cave à vin et de la chaufferie ainsi que sur le chevron aux fins de comparaison des empreintes génétiques éventuellement révélées avec celles de la victime, de Pierre Auribault, amant de l'employée de maison de la victime, et de M. Frédéric Hecquefeuille, délinquant notoire, proche de M. Auribault, et avec les enregistrements du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

18. Le docteur Olivier Pascal, désigné à ces fins, a conclu, dans un premier rapport en date du 8 octobre 2015, qu'aucune empreinte génétique, autre que celle de Ghislaine Marchai, n'a pu être caractérisée sur le chevron. En revanche, sur la porte de la cave à vin, il a été relevé, outre l'empreinte de Ghislaine Marchai, une première empreinte inconnue masculine (empreinte n°1) pouvant être inscrite au FNAEG. Une deuxième empreinte masculine (empreinte n°2) dégradée a été isolée mais n'a pu être inscrite au FNAEG compte tenu de son état altéré. Sur la porte de la chaufferie, outre l'empreinte de Ghislaine Marchai, il a été relevé une troisième empreinte masculine (empreinte n°3), pouvant être inscrite au FNAEG, figurant à côté comme sur les lettres de sang. Enfin, une dernière empreinte inconnue masculine (empreinte n°4) a été isolée nettement en dessous des écritures, celle-ci dégradée, ne pouvant être inscrite au FNAEG. A la suite de l'examen de ces différentes empreintes, il est apparu, selon le rapport rendu le 28 juillet 2016, que l'ensemble des empreintes étaient différentes de celles de M. Raddad, de M. Hecquefeuilie et de M. Auribault, ce dernier, décédé ayant été exclu à partir d'un prélèvement réalisé sur son frère. Selon un rapport du FNAEG, en date du 5 septembre 2016, il 'apparaissait que la comparaison avec le fichier avait fait ressortir une concordance entre la première empreinte génétique identifiée et celle d'un individu enregistré sous le nom de Bachir Guedeli. Affinant sa recherche, l'expert, après avoir sollicité un prélèvement ADN sur la personne dénommée Bachir Guedeli, identifiée sous le nom de Bachir Guedeli, a conclu dans un rapport du 9 février 2018 à une exclusion de toute concordance avec l'ADN de celui-ci.

19. Dans un rapport complémentaire, en date du 11 janvier 2019, l'expert a conclu à l'absence de rapprochement entre les quatre empreintes génétiques ainsi révélées avec celles de M. Bohme, M. Mancuso, M. Jacquot et Pierre Auribault, personnes de l'entourage immédiat de la femme de ménage de Ghislaine Marchai et de sa voisine Mme Pascal.

20. Par une seconde requête reçue le 28 juin 2021, M. Raddad a sollicité la révision de sa condamnation et, à titre subsidiaire, demandé la réalisation de nouveaux actes d'investigations, en produisant notamment une note scientifique de M. Breniaux, conseil en génétique.

21. Par décision du 16 décembre 2021, avant dire-droit sur la recevabilité de la requête, la commission d'instruction a ordonné un supplément d'information visant à obtenir des informations complémentaires sur la datation des empreintes génétiques et à faire préciser si la présence d'une empreinte génétique mélangée avec l'ADN de la victime signifie que celle-ci, mise en évidence sur les inscriptions accusatrices figurant sur la porte de la chaufferie, a nécessairement été déposée de manière concomitante au dépôt du sang de Ghislaine Marchai. Il a été également demandé à l'expert de faire toutes observations utiles sur les demandes d'investigations sollicitées et notamment sur la recherche en parentèle.

22. Dans son rapport, déposé le 7 février 2022, l'expert Olivier Pascal, répondant aux demandes de la Commission, retient :

  • sur la réalisation d'un portrait-robot génétique : constatant qu'une telle analyse nécessite la détermination de loci différents de ceux utilisés pour l'identification des individus, que l'information contenue dans le rapport d'expertise ne peut être utilisée à cette fin et que le manque d'extrait d'ADN rend impossible toute analyse complémentaire ;
  • concernant l'exclusion de M. Guedeli : que la présence de différences entre l'empreinte génétique d'une trace et l'empreinte génétique d'un individu a toujours pour conséquence une exclusion, sans qu'un calcul statistique puisse intervenir, l'exclusion étant définitive ;
  • s'agissant de la localisation de l'empreinte génétique inconnue n°3 : que cette empreinte étant caractérisée sur 22 prélèvements au total et sur quatre lettres, les autres prélèvements étant caractérisés à proximité des lettres, il est difficile de tirer une conclusion sur cette répartition au regard de la grande surface occupée par les lettres et observant que si le nombre important de traces montrant la présence de cette empreinte n°3 est un élément significatif à prendre en compte, il est hors du champ de la compétence d'un expert en empreintes génétiques de se prononcer sur leur répartition. Il suggère l'interrogation d'un expert en morpho-analyse sur la pertinence d'une analyse de la répartition de l'empreinte génétique inconnue n° 3 en fonction des traces de sang, des lettres et de sa présence en mélange de l'empreinte génétique de la victime ;
  • s'agissant des conclusions de M. Breniaux, produites par l'avocate de M. Raddad, qui estimait peu probable la contamination et la pollution du scellé au regard de l'omniprésence de la trace, le docteur Pascal, note « que si sur le plan théorique cette affirmation revêt une certaine logique », il s'agit toutefois « d'une vue réductrice omettant de prendre en compte les détails du rapport, le contexte du dossier criminel, les questions actuellement soulevées sur le mode de dépôt de cellules sur un support ». Il précise à cet égard que « le meurtre date d'une époque où aucune précaution n'était prise pour préserver les traces ADN sur la scène de crime, non plus que pour la protection et la conservation des scellés. » II relève que lors du procès, « il semblerait que les portes aient été exposées sans protection particulière. » Au vu de ces éléments, il indique « qu'il est difficile dans ces conditions d'exclure totalement une pollution, les portes ayant été largement exposées ». Il précise « qu'une difficulté s'ajoute dans notre impossibilité de dater l'ADN, ces cellules pouvant avoir été déposées avant le crime, au moment du crime ou postérieurement au crime ». Enfin, s'agissant du mode de dépôt des cellules, il observe que si l'hypothèse d'un contact direct est l'hypothèse du sens commun, on ne peut exclure un transfert secondaire c'est à dire que les cellules de l'individu n°3 aient pu être transportées par un vecteur, humain ou matériel, rendant possible que l'individu n'ait jamais touché le support.

23. Par courrier en date du 25 mars 2022, l'avocate de M. Raddad a transmis à la commission d'instruction la copie de procès-verbaux extraits d'une enquête de gendarmerie menée au cours des années 2002 à 2004 à la suite d'une dénonciation anonyme mettant en cause Martial Benhamou, délinquant notoire, qui aurait commandité un cambriolage au domicile de Ghislaine Marchai.

24. A l'audience du 19 mai 2022, l'affaire a été renvoyée au 15 septembre 2022 afin de permettre à la Commission de prendre connaissance des nouvelles conclusions de M. Raddad et de s'assurer de l'authenticité des procès-verbaux produits, dont certains n'étaient pas signés.

 

Exposé de la requête en révision

25. Le requérant sollicite, en application des articles 622 et suivants du code de procédure pénale, la révision et l'annulation de sa condamnation et subsidiairement des mesures d'investigations complémentaires.

26. A titre principal, il invoque au soutien de l'existence de faits nouveaux inconnus au moment du procès permettant d'établir son innocence et justifiant la saisine de la Cour de révision, la découverte de quatre empreintes génétiques sur la porte de la cave à vin et de la chaufferie, à la suite des investigations effectuées par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice de 2015 à 2021, à laquelle s'ajoute l'expertise en écriture réalisée à l'occasion de la première requête en révision.

27. Par courrier en date du 25 mars 2022, M. Raddad fait état de la découverte d'une enquête de gendarmerie menée entre 2002 et 2004, qui, selon lui, a été étouffée alors qu'elle pouvait l'innocenter.

28. Cette enquête, évoquée dans un livre intitulé « Ministère de l'injustice », publié en mars 2022, a été menée par un service distinct de celui saisi initialement, sur la base de révélations d'un témoin anonyme mettant en cause un dénommé Martial Benhamou, décédé, le 16 mai 2022 et des personnes de son entourage.

29. Dans ses dernières conclusions, l'avocate de M. Raddad confirme sa demande de renvoi de la requête devant la Cour de révision à raison des éléments nouveaux évoqués et à titre subsidiaire, récapitulant l'ensemble de ses demandes d'investigations complémentaires, sollicite les nouvelles investigations suivantes :

  • l'audition sur le fond de tous les gendarmes intervenus dans le cadre de la procédure menée en 2002 par le parquet de Grasse à savoir le capitaine Philippe Mathy, le capitaine Philippe Vernet, le capitaine Max Tardieu, le lieutenant-colonel Sasso et le colonel Kandel, par la commission d'instruction;
  • l'audition de M. Laurent Breniaux, expert près la cour d'appel de Nancy ;
  • la désignation de l'un des trois laboratoires spécialistes en la matière, à savoir le laboratoire de police de Lyon (SNPS), l'institut génétique Nantes Atlantique (IGNA), ou le laboratoire d'hématologie médico-légale de Bordeaux (LHMLB), pour réaliser des portraits robots génétiques et des recherches en parentèle afin de déterminer à qui appartiennent les quatre ADN révélés par le rapport du docteur Pascal ;
  • des nouveaux prélèvements des scellés 10 et 11 et une nouvelle exploitation selon la technologie NGS ;
  • une recherche en parentèle à partir de la base de données FNAEG des empreintes génétiques masculines inconnues 1 et 3 et notamment l'analyse du chromosome Y de M. Bachir Guedeli afin de déterminer s'il existe un possible lien de parenté entre la trace inconnue masculine 1 et la ligne masculine de M. Bachir Guedeli ;
  • l'analyse du profil génétique d'un descendant direct de Pierre Auribault avec celui qui est enregistré au FNAEG avant 2010 ;
  • la réinscription des empreintes inconnues 1,2,3 et 4 au fichier du FNAEG réactualisé ;
  • de nouveaux prélèvements sur les personnes intervenues (témoins, suspects, familiers, proches, enquêteurs, magistrats, experts) ainsi qu'avec tout l'entourage de la victime quel qu'il soit, afin de comparer leurs empreintes avec les empreintes inconnues 1, 2, 3 et 4 (scellés n°10 et n°11), en utilisant toutes nouvelles techniques permettant l'identification de ces traces génétiques inconnues ;
  • l'analyse des traces biologiques 1, 2, 3 et 4 (scellés n°10 et n°11) afin d'extraire les données essentielles à partir de l'ADN pour que soient fournis tous éléments relatifs au caractère morphologique apparent du suspect ;
  • le rapprochement de l'empreinte génétique inconnue 1, au niveau de son haplotype Y, avec le profil génétique de M. Bachir Guedeli, afin de statuer définitivement sur le rapprochement ;
  • le rapprochement de l'empreinte inconnue 3 avec le FNAEG ;
  • la transmission de l'empreinte inconnue 3 à INTERPOL ;
  • des recherches ADN sur les personnes de Martial Benhamou, Jean Claude Benhamou, Vincenzo Bertolino et de Mycolas Slavych, Patrick Capuro et leur comparaison aux traces d'ADN relevées sur la scène de crime ;
  • la saisie du dentier de Martial Benhamou aux fins de comparaison avec les traces d'ADN relevées sur la scène de crime ;
  • l'exhumation du corps de Martial Benhamou aux fins de comparaison de son ADN avec les quatre ADN retrouvés ;
  • une nouvelle expertise médico-légale afin de déterminer avec précision l'heure de la mort de Ghislaine Marchai, à tout le moins celle de son agression ;
  • une enquête approfondie sur l'entourage de la victime qu'elle fréquentait avant sa mort ;
  • des réquisitions bancaires sur les mouvements opérés sur les comptes bancaires de Ghislaine Marchai, détenus en France et en Suisse ;
  • des réquisitions bancaires suries comptes personnels et ceux des sociétés de Martial Benhamou, de MM. Vicenzo Bertolino et Mycolas Slavych ;
  • la recherche de biens de Ghislaine Marchai qui pourraient être liés à un éventuel mobile (contrats d'assurance, contrat de gardiennage, œuvres d'art, valeurs) ;
  • les auditions de tous les témoins interrogés dans le cadre de l'enquête susmentionnée et de notamment MM. Bertolino et Slavych.
  • l'audition de Mme Mathilde Tranoy, journaliste à Nice-Matin qui a entendu Mme Mauricette Riera ;
  • l'audition de Mme Mauricette Riera ;
  • l'audition des auteurs du livre « Ministère de l'Injustice » par la commission d'instruction ;
  • la saisie du dossier médical de Martial Benhamou ;
  • la saisie du téléphone portable et de l'ordinateur de Martial Benhamou aux fins d'expertises et ses relevés téléphoniques ;
  • l'audition de Mmes Marlène Benhamou et Régine Polizzi, filles de Martial Benhamou ; - la transmission du dossier criminel dans lequel Martial Benhamou avait été condamné ainsi que l'audition du procureur de la République Éric de Montgolfier qui avait recueilli le signalement de la fille de Martial Benhamou ;
  • une expertise génétique sur le couteau objet du scellé n°1 par l'un des trois laboratoires capables d'analyser des matières génétiques infimes à savoir le SNPS, I'IGNA ou le LHMLB ;
  • la désignation d'un expert chargé de vérifier la compatibilité des caractéristiques de l'arme objet du scellé n°1 avec les blessures de Ghislaine Marchai avec pour mission de :

* prendre possession du scellé n°1 couteau référencé par le code barre 401615117000 ;

* procéder à sa description ;

* dire s'il présente les caractéristiques qui peuvent être en corrélation avec les plaies constatées sur la victime Ghislaine Marchal ;

* faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité.

 

Décision de la Commission

30. Il résulte des articles 622, 624 et 624-2 du code de procédure pénale que, s'il n'appartient qu'à la formation de jugement de la Cour de révision et de réexamen de déterminer si le fait nouveau ou l'élément inconnu de la juridiction au jour du jugement est de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité, il incombe à la commission d'instruction de se prononcer sur la recevabilité de la demande de révision en appréciant, notamment, la réalité du fait nouveau ou de l'élément inconnu allégué par le condamné, et son rapport avec les faits, objet de la condamnation.

31. En premier lieu, la demande visant à ordonner une nouvelle expertise médico-légale aux fins de datation de la mort de Ghislaine Marchai n'est fondée sur aucun élément nouveau permettant de remettre en cause les conclusions des dernières expertises réalisées indiquant que la date de la mort est antérieure d'au moins 24 heures au premier examen médical et qu'elle est donc survenue le 23 juin avant 20 heures.

32. En deuxième lieu, M. Raddad invoque au titre des éléments nouveaux, la révélation de quatre empreintes génétiques masculines non identifiées figurant pour deux d'entre elles sur la porte de la cave à vin et pour les deux autres sur la porte de la chaufferie, l'une de ces empreintes (empreinte n°3), ayant été retrouvée sur la porte de la chaufferie à plusieurs endroits et en mélange avec le sang de la victime, empreintes mises en évidence à la suite des nouvelles expertises ordonnées par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice entre 2015 et 2021.

33. D'une part, la découverte de ces nouvelles empreintes doit être appréciée au regard de l'ensemble des éléments invoqués par le requérant depuis l'arrêt l'ayant condamné, et notamment l'expertise de Mmes Bisotti et Ricci d'Arnoux.

34. Il convient de rappeler que ces dernières n'ont pas exclu que Ghislaine Marchai soit l'auteur des inscriptions incriminées, plusieurs éléments relevés dans ce rapport, notamment l'existence d'une empreinte compatible avec l'infirmité de la victime à la main gauche consécutive aux coups reçus, la circonstance que les écritures ont été le fait d'une personne d'abord à genoux, puis allongée ou semi-allongée sur le côté droit, l'existence d'une large tâche brunâtre sous une des inscriptions pouvant représenter l'empreinte ensanglantée d'un front et de cheveux et la révélation par un examen des inscriptions en lumière rasante de la présence de caractères évanouis dont certains désignant « OMAR » ont été tracés sous les inscriptions visibles et dont d'autres complètent l'inscription « OMAR M'A T », accréditant la thèse que Ghislaine Marchai est l'auteur de ces inscriptions.

35. D'autre part, si les données de la science ont évolué depuis le rejet de la précédente demande de révision permettant, comme en l'espèce, la révélation, plus de trente ans après le crime et vingt ans après la première requête en révision, de nouvelles empreintes génétiques, il reste, comme l'avait déjà relevé la Cour de révision dans sa décision, que la découverte de nouvelles empreintes ne suffit pas, à elle-seule, à établir leur rapport avec les faits, ces traces ayant pu être laissées antérieurement ou postérieurement au meurtre. En effet, de nombreuses personnes ont pu approcher les portes avant le meurtre et postérieurement y accéder, voire les manipuler sans précautions suffisantes, durant le temps de la procédure, du procès d'assises et à l'occasion de leur manutention ultérieure.

36. S'agissant plus particulièrement de la localisation de l'empreinte génétique inconnue n°3, caractérisée sur 22 prélèvements et sur quatre lettres, les autres prélèvements étant caractérisés à proximité des lettres, aucune conclusion ne peut en être tirée eu égard à la grande surface occupée par les lettres.

37. Il résulte du rapport du docteur Pascal, interrogé sur ce point par la commission d'instruction, que le fait que l'empreinte inconnue n°3 soit, à huit reprises, mêlée au sang de la victime, n'établit pas à lui seul la concomitance de leurs dépôts.

38. Dès lors, une expertise morpho-analytique, qui ne pourrait que retracer la mécanique de la dispersion des traces de sang et non déterminer si les traces ADN correspondant au scellé n°3 ont été ou non véhiculées par l'écriture, ni dater leur dépôt, est dépourvue d'utilité dans un contexte de pollution importante des portes supportant les inscriptions accusatrices.

38. Ainsi, le recours aux techniques tendant à établir un portrait-robot génétique ou à réaliser des recherches en parentèle à partir de traces ADN, qui sont habituellement destinées à circonscrire le champ des recherches de l'auteur d'un crime non élucidé, n'est pas en l'espèce justifié, en l'absence de tout élément objectif établissant la concomitance du crime avec le dépôt de l'empreinte génétique n° 3, identifiée plus de vingt-quatre ans après les faits.

40. S'agissant de l'identification de l'empreinte n°1, M. Guedeli a été définitivement exclu par l'expert. Ainsi, les demandes de recherches complémentaires sont inutiles.

41. Par ailleurs, les traces n° 1 et n° 3, seules à pouvoir l'être, ont fait l'objet d'une inscription au FNAEG. Les demandes formulées à ce titre sont donc sans objet.

42. En conséquence, les éléments proposés par M. Raddad, même associés aux précédents invoqués par lui, sont impropres à établir un rapport entre les empreintes génétiques découvertes et les faits pour lesquels il a été condamné.

43. En troisième lieu, M. Raddad invoque l'enquête préliminaire effectuée par la brigade territoriale de la gendarmerie de Nice de 2002 à 2004. Cette enquête, qui, contrairement aux allégations du requérant, est dépourvue de tout caractère occulte, a été ordonnée, conduite et prolongée sous l'autorité du parquet de Grasse.

44. Les éléments apportés par cette enquête, qui mettent en cause directement Martial Benhamou, décédé à ce jour, comme ayant eu l'intention de faire commettre un cambriolage chez Ghislaine Marchal, ne reposent que sur les déclarations d'un témoin anonyme. Par ailleurs, si l'enquête menée a permis de confirmer la mauvaise réputation de l'intéressé, gérant d'un restaurant et d'une discothèque, il n'a pu être établi de lien entre celui-ci et la victime autrement que par des témoignages anonymes, que leur tardiveté rend invérifiables et qui sont au surplus partiellement contradictoires et non corroborés par les membres du personnel des établissements en cause.

45. L'enquête diligentée dans ce contexte de dénonciation anonyme tardive n'ayant pas permis d'établir un lien réel et sérieux avec le meurtre dont a été victime Ghislaine Marchai, qui n'a pas été identifiée parmi les personnes ayant fréquenté les établissements tenus par Martial Benhamou, et dont la résidence n'a pas fait l'objet d'un cambriolage, ni avant le meurtre ni le jour du crime, a été classée sans suite par le parquet de Grasse.

46. Au regard du résultat de ces investigations, la demande des enquêteurs auprès de l'autorité judiciaire compétente de poursuivre les investigations, formulée dans le procès-verbal de synthèse de la procédure, qui ne constitue pas un acte d'enquête, ne suffit pas à établir un rapport avec les faits criminels, les enquêteurs ayant admis qu'aucun élément « touchant le fait majeur » n'avait été recueilli.

47. Dès lors, les investigations financières demandées se rapportant à Martial Benhamou et à son entourage ne sont pas justifiées. Au surplus, de telles investigations concernant Ghislaine Marchal ont été effectuées dès l'enquête initiale.

48. Enfin, l'enquête diligentée à la suite de la découverte d'un couteau dans une jardinière d'une propriété de Mougins, révélée plus de trente ans après les faits, sur lequel seule l'empreinte génétique de son possesseur a été mise en évidence, est sans lien avec les faits. Au surplus, cet objet de type couteau de cuisine n'est pas compatible avec les constatations du médecin légiste qui fait état de blessures provoquées par une lame à double tranchant.

49. Par conséquent, la présente requête doit être déclarée irrecevable.

 

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE la requête de M. Omar Raddad.

DIT la demande d'actes sans objet.

 

Ainsi prononcé par M. d'Huy, président de la Commission.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, la rapporteure et la greffière.

 

 

Georges Cenci

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